Ce 18 novembre 1992, Raymond Boulanger met toute la gomme pour faire décoller son Convair 580. Agrippé au manche à balai, il sait que son avion est trop chargé. Entre le « fret » et la quarantaine de barils d’essence, il est trop lourd de plusieurs tonnes. À peine éclairée, la piste défile sous les roues et, tout au bout, si ça passe pas : la mer. Le temps menace sur la péninsule de Guarija, tout au nord de la Colombie. In extremis, les roues se soulèvent. Tel qu’on l’imagine, Raymond Boulanger a dû éclater d’un rire – « tonitruand » !
Il y a quelques jours, il est sorti de prison. C’est sans doute le plus important passeur de drogue jamais arrêté : 4 343 kilos de cocaïne.
Celui que l’on a surnommé le pilote de Casey est né en 1948, à Rimouski, au Québec. Il a passé son enfance pratiquement sur un aéroport, où sa mère dirigeait une école. « J’ai commencé à voler sur les genoux de mon père, j’avais 8 ou 9 ans », aime-t-il à raconter. Mais c’est en Écosse qu’il a passé son brevet de pilote. Il avait 16 ans.
Un sacré bonhomme, quand même ! Belmondo des années 70. Il aurait été contacté par le cartel de Cali, l’un des plus importants réseaux mafieux de l’Amérique du Sud (démantelé en 1995), alors qu’il travaillait pour la CIA. L’agence appréciait ses qualités de pilote de brousse. On dit même qu’il aurait accompli quelques raids armés pour le compte des services secrets américains lorsque ceux-ci, de crainte de voir s’instaurer un régime communiste au Nicaragua, cherchaient à neutraliser les guérilleros de Daniel Ortega.
Une fois en altitude, la tension retombée, Raymond Boulanger se connecte pour capter le trafic des autorités. Un « drug flight » est signalé. Peu après, par radio, l’un des membres du cartel lui lance « Tieni cola ! (T’as une queue !) ». Aussitôt, il change son plan de vol et bifurque vers l’est, au-dessus de l’Atlantique. Mais cette fois, c’est la météo qui s’en mêle. Une tempête à environ 200 miles au nord-est des Bermudes, avec un vent de face de 150 nœuds. Pendant plus d’une heure, dans le cockpit, le pilote et le copilote se battent contre les éléments déchainés, tandis qu’à l’arrière, les deux membres de l’équipage transvasent le carburant des barils aux réservoirs à l’aide d’un système de tuyauterie rudimentaire. L’avion pique alors vers la Nouvelle-Écosse. Soudain, un nouveau danger surgit ! Boulanger surprend les échanges radio de deux F-18 de l’armée canadienne. Les pilotes informent leur PC qu’ils ont capté le suspect sur leur radar. « Ils volaient à une vitesse de 1.8 mach. Ce qui n’était pas une manœuvre brillante parce qu’ils ont gaspillé du carburant pour rien. Ils auraient pu attendre et m’intercepter lorsque j’étais proche du Nouveau-Brunswick », dit-il. Effectivement, l’un des appareils est contraint de cesser la poursuite. L’autre s’approche alors tout près de l’avion-cargo. « Il était au bout de mon aile. Le pilote me faisait signe de descendre avec le pouce en bas. » On imagine la réponse du ruffian, le médius en haut. Mais il se contente de rapporter qu’il a fait un « bye-bye » ironique au pilote de chasse, sachant qu’il devait décrocher à son tour au risque de n’avoir plus assez de carburant pour retourner à sa base.
Neuf heures après son décollage, Raymond Boulanger atteint enfin le Québec et atterrit sans encombre à Casey, sur une vieille piste abandonnée. Plus tard, c’est une histoire qu’il racontera à ses enfants dans le lieu paradisiaque où, sans doute, il compte se retirer, fortune faite. Car ce convoyage doit lui rapporter gros : 5 millions de dollars pour le vol et 2 % du total de la vente, un montant estimé selon certains à un milliard de dollars et selon d’autres à 2.5 milliards. Les hommes de Vito Rizzuto, le chef de la mafia québécoise, doivent l’attendre, prêts à charger la marchandise sur des camions, comme la dernière fois. Un autre voyage, quelques mois auparavant, seulement 500 kilos de came. Il pilotait alors un petit avion dont les sièges avaient été remplacés par des jerrycans d’essence. En une demi-heure, la cargaison avait été débarquée et il avait pu reprendre les airs. Ni vu ni connu. Un coup d’essai, mais pas un coup pour rien, car il avait quand même encaissé 1.5 million de dollars.
Mais cette fois, il n’y a personne. Les hommes de la mafia québécoise ont préféré ne pas trop traîner dans le secteur. Les quatre trafiquants poireautent en vain une bonne heure. Puis, ils décident de faire du stop pour rejoindre un lieu habité. De là, ils téléphonent à leurs complices, mais personne ne répond. Déconfits, ils reviennent près de l’avion. Impossible de redécoller. Ils sont bloqués. En désespoir de cause, Boulanger retourne au garage d’où il a téléphoné tout à l’heure pour commander un avion-taxi. Serviable (avec toutefois un gros pourboire à la clé), le mécanicien les ramène sur la piste d’atterrissage. Une vingtaine de minutes plus tard, les deux F-18 font un rase-motte au-dessus de leur tête. « J’ai alors su que tout était fini », dit Raymond Boulanger. Les trois Colombiens ont dû penser la même chose car ils grimpent dans le pick-up du garagiste et démarrent à toute allure. Ils ne vont pas loin, le véhicule s’enlise dans la neige. Ils l’abandonnent et prennent la fuite à pied. En sandales. Il fait -30°. Je suis sûr qu’ils ont dû être heureux de voir les policiers arriver ! Lorsqu’ils leur mettent la main au collet, ils sont quasi morts de froid.
Plus loin, deux hommes ont également été arrêtés à un barrage routier, dont l’un Christian Deschênes, est un associé de Vito Rizzuto (dont le père a été abattu en novembre 2010).
Boulanger, lui, est resté sur place.
Il contemple son avion et son précieux chargement. Il a du mal à quitter ses rêves. Puis, il réagit. Il tente de trouver quelqu’un pour le conduire à Montréal. Personne n’accepte : la GRC (gendarmerie royale du Canada) a donné des consignes. Il est tellement sûr de se faire arrêter, qu’il enterre l’argent qu’il a sur lui, environ deux millions de pesos.
Alors, il s’assoit et sirote un café. Lorsque les gendarmes arrivent, il ne cherche pas à s’enfuir. Il est mené au camp forestier, transformé en prison provisoire. Lorsqu’il en sort, solidement encadré, pour être conduit à Montréal, son clin d’œil aux journalistes va le rendre célèbre.
Jugé l’année suivante, il écope de 23 ans d’emprisonnement. La plus lourde peine jamais infligée au Canada pour un trafiquant de stups. Il aurait sans doute pu négocier en donnant quelques noms, mais il s’est tu. Et son silence lui a valu la reconnaissance tout aussi silencieuse mais néanmoins efficace des narcotrafiquants.
En 1998, il profite d’une permission de 4 jours pour se faire la belle. Il retourne en Colombie où il prépare un « voyage » pour le compte des FARC, mais un pneu de son avion éclate au décollage. Le temps de la réparation, alors qu’il se promène en ville, il est kidnappé par un autre groupe de rebelles qui le prennent pour un Gringo. C’est la mafia qui aurait payé sa rançon (mais où commence la légende ?). En tout cas, 18 mois après son évasion, la police colombienne lui met le grappin dessus et il est extradé vers le Canada.
En 2001, alors qu’il effectue des travaux pour la communauté, il rebelote. Une deuxième cavale au cours de laquelle on ne sait pas trop ce qu’il a fait. Il serait allé au Mexique pour mettre de l’ordre dans ses affaires. Un business plus classique, peut-être ! Il est finalement arrêté à Montréal, où il est venu voir son père, malade.
À 65 ans, cet aventurier remplit en prison la modeste fonction de commis à l’entretien. Pour un salaire de 6.95 dollars par jour. Dans sa cellule, il découvre le plaisir de peindre. À des journalistes venus l’interviewer, il déclare « Je suis tellement proche de la fin et j’ai payé le bill. Les vols pour les cartels, ça a été une partie de ma vie, mais c’est enterré. C’est fini ». Pourtant, il ne regrette rien, si ce n’est de s’être fait prendre. Il n’a aucun problème avec ses valeurs morales, « pas plus que les gouvernements ailleurs dans le monde […] dans leur soi-disant démocratie ». Raymond Boulanger milite dans un mouvement pour la décriminalisation des drogues.
Il affirme qu’il a des rêves simples, comme aller à la pêche ou retaper de vieux coucous. Il envisage d’ailleurs d’acheter une maison en Gaspésie. Ne dit-on pas que c’est la terre d’accueil des Micmacs !
33 réponses à “Les tribulations d’un narco-pilote de brousse”
La psychologie enseigne que de braver la morale en affichant une absence totale de regrets voire en revendiquant haut et fort un passé est une manière de conserver un sens, une cohésion à sa vie. On déroge à ce comportement soit parce qu’une lavage de cerveau est passé par là, soit parce qu’un regret irrépréhensible domine la dimension psychique. En tous les cas :
1- Qui sait si l’être est sincère ? ;
2- Qui suis-je pour juger la vie d’un autre ?
3- Les autorités jugent les faits, pas les âmes.
Le point 3/ est une saine base du droit.
D’un autre côté, certains semblent glorifier ce type comme un exemple à suivre car il aurait agi par défi social contre une société oppressive. En fait, il n’a donné personne parce qu’il a justement soigneusement limité la portée de ce que d’aucuns se plaisent à voir comme un défi moral. Il a en effet évité le seul geste qui comportait un vrai défi social dans sa position: faire un doigt au cartel. Il a donc bravé la morale des faibles, car il n’aurait pas osé défier la morale régnante, celle qui se donne droit de mort sur les contrevenants à ses règles. Rien de bien glorieux en somme.
Ce n’est pas pour vous mais il y a quand même eu une époque où les contempteurs affichés de l’ordre établi avaient d’autres arguments que la morale ultra-libérale, genre les drogués/consommateurs l’ont bien cherché et puisqu’il y a un marché patati-patata. Ma conclusion est qu’ils sont justement pour l’ordre établi et à ce titre les commentaires sont très instructifs. Autrui n’a plus de valeur d’usage et ce qui force le respect c’est l’argent qu’on amasse.
Y a-t-il quelqu’un parmi vous qui pouvez me dire ce qu’aurait fait Raymond Boulanger si…
Raymond Boulanger affirme n’avoir aucun regret. Au Journal de Québec, il répond : « Si j’avais 45 ans aujourd’hui, je le referais, mais pas de la même manière.
Paradoxalement, Raymond Boulanger «milite pour la décriminalisation des drogues».
À part l’épandage pour aider la culture de la coca, qu’aurait fait Raymond Boulanger de sa vie si la cocaïne n’avait pas été criminalisées ou, si c’était à refaire, que ferait-il de sa vie si les drogues n’étaient pas criminalisées?
Quelqu’un peut-il me dire?
Rigueur dans le raisonnement!!!
Sait-il ce qu’il veut?
Y a-t-il un pilote dans l’avion?
Pas fort le monsieur!
Il milite pour la décriminalisation des drogues…
Donc il souhaite que les drogues ne soient pas criminalisées.
Alors, que ferait-il de sa vie si elles n’étaient pas criminalisées?
Avez-vous déjà vu un bon monsieur comme ça.
Il milite pour la décriminalisation des drogues… et si c’était à refaire, il ferait encore un acte criminel… mais pas de la même manière…
Well!
Pour répondre à ht je lui ferais remarquer que les pires crimes sur la scène internationale ont été commis par des individus qui ont strictement suivit les lois et la morale de leur temps. Les lois des hommes ne sont pas toujours bonnes à suivre. Je rappellerais que dans mon propos je visais seulement l’histoire de Mr Boulanger. En effet si vous me lisez bien, j’ai écarté dans mon commentaire la question de la responsabilité pénale et morale. De plus à aucun moment je ne me suis permis de dire de Mr boulanger qu’il a eu raison d’agir contre la loi. Mon propos visait seulement à exprimer mon point de vue sur l’histoire et critiquer certains commentaires. Pour l’histoire il me semble qu’elle était intéressante eu égard au rapport de l’individu avec la loi. Pour la critique elle me semble parfaitement fondée en ce qu’il est incompréhensible que certain refuse à ce que l’on raconte l’histoire d’un homme au seul motif que celui-ci est été condamné par la justice Québécoise pour avoir notamment participé à un trafic de drogue . Encore la comparaison avec Mr Dutroux est absurde et parfaitement choquante. En effet vous mettait sur le même plan des affaires absolument différentes qui ne portent pas sur le même type de délinquance. Au surplus vous faite passer Mr Boulanger pour ce qu’il n’est pas. De même quand vous accusez Mr Boulanger d’avoir causé la mort de milliers de personne dépendante de la drogue vous instituez sur le même plan des qualifications pénales totalement différentes. Il est inadmissible d’élever au rang de « génocide » ce qui relève d’infractions relatives au trafic de drogue. Je vous remercie de bien vouloir ainsi rendre à mes propos leur sens véritable.
Pourquoi la comparaison avec Dutroux est-elle absurde? Marc Dutroux aussi pourrait convoquer Brassens à sa rescousse et se plaindre « des braves gens qui n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux ». N’importe quel délinquant peut d’ailleurs ainsi se réfugier derrière cette citation éculée et vide de sens ; du voleur de poules au plus sordide criminel.
Le plus dur dans l’anarchisme, ce n’est pas d’en réciter les aphorismes, c’est d’en supporter leurs conséquences.
Les « pires crimes sur la scène internationale » sont (assez rarement) jugés le cas échéant par des juridictions internationales, pas par des cours d’assises comme Boulanger…ou Dutroux. Pour reprendre votre formule: « vous mettez sur le même plan des affaires absolument différentes ».
Ces « pires criminels » suivent d’autant plus facilement les lois que généralement ce sont des chefs d’Etat: les lois, ils ne les suivent pas, ils les édictent. Ils peuvent donc imposer ce qu’ils veulent et veiller à offrir à leurs éxécuteurs de basses oeuvres une impunité taillée sur mesure.
Enfin, je vous renvoie à la définition précise de « génocide », que vous sortez apparemment aussi facilement que Brassens. On frôle là le point Godwin…
Ce mot a un sens et il est assez désolant de voir comme on le galvaude : un génocide, ce n’est pas tuer des milliers de gens, mais éliminer systématiquement un groupe de la population en fonction de son origine ethnique, religieuse ou sociale dans un but généralement raciste. On peut donc accuser quelqu’un d’être à l’origine de milliers de morts (cigarette, alcool, drogue, etc…) sans entrer dans le champ du génocide.
Après, c’est vrai que cet article est intéressant, il est ridicule de prétendre le contraire.
Comme il est ridicule de dénier la réalité des conséquences des actes des criminels, pour peu qu’ils pilotent des avions comme Buck Danny et qu’ils sentent bon le sable chaud…
>Pourquoi la comparaison avec Dutroux est-elle absurde? Marc Dutroux aussi pourrait convoquer Brassens à sa rescousse et se plaindre « des braves gens qui n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux ».
Parce que Dutroux a force d’autres gens a prendre la meme voix.
Il y une différence avec le simple transport de marchnadise que de plus personne ne force a consommer.
Trop complique pour les esprits simplistes que les crimes ne sont pas comparables juste parce que sont des crimes.
En meme temps ceux qui font ce genre de comparaison sont souvent ‘simples’ eux meme.
@ stephane:
Être taxé de « simpliste » par quelqu’un pour qui l’expression écrite semble visiblement déjà trop compliquée est toujours un plaisir.
Rassurez-vous, le « simple transport de marchandises que personne ne force à consommer » n’est pas passible de prison, j’en veux pour preuve que les employés d’UPS ou les livreurs de pizza ne sont pas poursuivis pour ce motif.
Plus sérieusement, je me permets de vous renvoyer votre compliment au regard de votre méconnaissance crasse des ravages de la drogue.
Bien des consommateurs et des familles endeuillées n’ont pas choisi leur voie, malgré ce que votre brillant esprit tente de démontrer. Visiblement, les jurés canadiens qui ont condamné cet individu semblent plus de mon avis que du vôtre.
Ça tombe bien, c’est leur avis qui compte.
j’ajoute, lecture agréable et captivante…
Bien raconté
Intéressant pour les non-initiés
On peut réussir sa vie sans être un bandit de grand chemin. Notre hôte ne dit d’ailleurs pas le contraire.
A le relire donc.
Georges Brassens disait des braves gens qu’ils n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux.
Les commentaires laissés par les internautes confirment ce qu’avançait le chanteur.
Triste est de constater que pour certains qui écrivent sous cet article, une histoire racontée dans un contexte moral qu’ils désapprouvent les empêches de percevoir l’intéressant et l’intérêt de récit.
En effet il ne s’agit nullement de faire l’apologie du trafic de drogue mais simplement de raconter une histoire peu commune. La responsabilité pénale et morale de l’individu n’étant pas le sujet.
En réalité pour ma moi, cette histoire est celle d’un homme qui a gouté à la véritable liberté.
Alors que par nature l’être humain est résigné à la loi, à l’autorité et à la morale sociale, le personnage de l’histoire, lui c’est affranchi de tous ces codes pour vivre libre. Nullement dépourvu de morale, il s’est fié à sa propre conscience, à ses propres principes sans céder à ceux que lui imposait et lui impose la société.
Ainsi selon moi cela explique qu’il ne regrette rien.
Enfin, l’histoire méritait d’être racontée. Puisque elle décrit une personnalité originale et intéressante, dépassant la simple histoire d’un banal trafiquant de drogue.
Ainsi sans confusion il faut prendre ce récit pour ce qu’il est, l’histoire d’un homme et plus particulièrement celle d’un insoumis.
Georges Brassens n’était pas le Bon Dieu, il eût été le premier à l’affirmer !
Je crois qu’il est toujours salutaire de distinguer le discours et le pourquoi du discours.
Ainsi du lecteur qui oublie un contexte pour plonger dans le récit, ainsi du lecteur qui reste accroché à la réprobation quitte à occulter le fantastique d’un destin, au-delà du bien et du mal.
Je conviens que la morale est parfois le crédo de certaines réactions offusquées, avec vous je n’aime pas trop. Mais convenez à votre tour que toute réprobation n’est pas forcément moralisante ou inspirée par un code religieux ou humaniste. Il est d’autres raisons qui peuvent motiver un rappel à la réalité du monde, des raisons qui n’entendent pas forcément éduquer ou rallier à une cause mais qui peuvent n’être qu’un cri de conscience, comme le refus de laisser la griserie d’une cervelle prendre le pas sur le vermeille d’une attente aimante du monde.
Ce que j’ai lu ici des commentaires ma foi distribuait autant les rôles du spectateur de cinoche que ceux moins émerveillés par le destin d’un homme que par la misère d’une population : cette réaction n’est pas incompatible avec le jeu du p’tit soldat mais parfois l’emporte.
Je crois en définitive que nous sommes multiples, même chacun en soi.
Bien Yves, nous sommes non seulement multiple chacun en soi, pour ne pas dire des Êtres mosaïque ; mais en plus nous sommes capables de tout : du meilleur, comme du pire.
La perfection n’existe évidemment pas, nous ne faisons que tendre vers elle. Mais… chacun sa conception de la chose.
OK, Camille 🙂
Et puis enfin, pour rester dans le schéma mosaïque (mot juste), parfois (souvent) les apparences peuvent tromper. Ainsi un discours faisant fi de tout aspect moral pour ne s’appesantir que sur un destin ou un récit exceptionnel n’exclut pas la conscience des enjeux, il peut simplement les mettre de côté le temps d’une évasion : il en va ainsi de l’approche de chacun de la lecture, du cinéma, de la musique etc. : ça peut n’être qu’un jeu, ou un code de ralliement. La morale de toutes façons fait mauvais genre, et pas forcément à tort.
Inversement le discours carré, clean peut cacher des pensées, une vie troubles.
Mais pas forcément : peut-être n’est-il que chacun pour se connaître ?
Malheureusement cette dichotomie en miroir laisse place à une alternative plus diffuse, partant plus dangereuse : celle de se laisser emporter par une vision ludique de la barbarie pour peu qu’elle ait été exorcisé par le talent, par la « classe ». Notamment chez les ados, pas tous évidemment, on assiste à non plus une règle enfreinte mais une règle ignorée, comme l’expression d’une inconséquence, d’une irresponsabilité : amoral et non immoral. Amoral le temps en général que maturité se fasse. Je ne suis pas certain que cette maturité fut
jamais atteinte dans le cas d’un Raymond Boulanger et, le cas échéant, c’est aussi ce qui rend ce type de personnage sympathique, à savoir que ce qui se dégage de lui ne trahit aucune intention de mal faire : il est ailleurs que dans ce que ses actes impliquent.
Mais, mais mais : l’histoire est passionnante, et bien racontée ici, j’en conviens et re-conviens !
« […]une bonne vieille apologie libertarienne de la drogue »
Comme vous y allez ! Je ne vous accorde pas que le passeur pincé fasse l’apologie de la drogue, même si sa sympathique vaillance fait bien celle de la liberté, celle d’un ni Dieu ni maître.
C’est un récit qui relate une vie, rien de plus.
Quiconque exerce dans le milieu … des forces de police ou de justice finit par s’amuser, voire respecter un type calibré, ce qui n’exclut pas de condamner des faits répréhensibles, de le condamner. lui, leur auteur. C’est pas incompatible. On riait aux assises des bons mots du docteur Petiot puis on le scella.
Il s’agit d’éviter de s’investir personnellement. Et d’éviter le cynisme (plus ardu). Les grands flics comme les grands ténors du barreau (les juges du parquet évitent d’être grands ou petits) vous le diront : le bonhomme est une choses, ses actes en sont une autre.
Ni Dieu ni Maître?
Au chef du cartel il disait bonjour Monsieur. Et il s’essuyait les pieds avant de rentrer dans son salon.
« Raymond Boulanger milite dans un mouvement pour la décriminalisation des drogues »… Histoire édifiante sans doute, mais qui ne fait pas forcément rêver, la chute était sans doute trop attendue (cf… sur un air de Piaf : non, rien de rien, non je ne…).
On se prend surtout à penser autre chose. Et si cet homme avait commencé par le commencement ? lutter politiquement pour la décriminalisation des drogues au vu des ravages produits par la prohibition sur les consommateurs, et… l’échec aidant…, de guerre lasse (pour le coup), devenir cynique, mettre la morale à côté, et cherchant à s’en pogner* un max (* de pognon)…
Mais je constate qu’on ne nous raconte jamais les histoires dans cet ordre inversé pour en tirer d’autres morales, d’autres leviers d’action, alors qu’on pourrait tenter de débusquer des « aventuriers » de cet ordre, & on en connaît même beaucoup.
Sans doute, n’y aurait plus de quoi faire rêver les âmes simples, qu’il vaut mieux toujours convier à choisir entre les figures toujours à leur place : le gendarme et le voleur, même si sous la plume du bon Georges, ils gagnent toujours de l’estime à la fin, restant chacun dans son rôle.
« Tonitruand » : quel joli mot valise, merci, je le recyclerai. Belle journée !…
Vous n’êtes aucunement rabat-joie quand c’est l’inverse qui peut émoustiller soit le cynique soit le sot, à savoir envisager la vie, le monde comme une immense plaisanterie, comme le « show » d’autant de destins.
Vous avez raison, le spectacle du camé, celui de ceux qui s’y refusent mais, lieu et moment obligent, se retrouvent dans l’alternative marcher ou crever, incite davantage au rendu qu’à l’accroche.
Pas immoral mais amoral. En tous les cas un sacré destin, admirable à certains égards, l’animal est un fichu bonhomme, lui se dit bientôt l’être, fichu.
Mérite un film un pareil scénario.
Mais il restera un type qui aura été un maillon de la chaîne de la mort, tout sympa soit-il.
C’est vrai. Mais que devrait-on dire des viticulteurs et marchands de pinard. Il y a 40.000 morts dus a l’alcool en France chaque annee, plus tous les drames de l’alcoolisme quotidien.
C’est la mode que de légitimer par comparaison, de relativiser en somme. Ben voyons ! Bigre, nous sommes donc autant de moutons pour ainsi nous comparer ?
En bien ou en mal le solo qui cogite et qui a le ventre en place copie personne, lui.
La premiere biere vous voulez dire!
150 kn de vent , mine de rien ca fait 240 Km/h…. On est un peu au dela de la tempete. C’est d’autant plus etonnant qu’un avion de ligne autrement plus gros que ce coucou ne peux pas supporter plus de 40 knt de vent de travers… Certes on parle la de vent de face mais je doute qu un avion de cette taille supporte un telle force de vent.
Ouais, 150 kts, ça fait un peu beaucoup, mais bon, vous savez, chez ces gens là, on aime bien tout exagérer…
Au sol, 150 kt de vent ça s’appelle un cyclone mais à 20 ou 30 000 pieds d’altitude ça n’a rien d’extrème, ça s’appelle juste un jet stream et tous les avions de lignes les utilisent.
Légalisez pour lutter contre la maffia !!! L’Histoire ne vous a-t-elle rien appris ???!!!
Ou alors c’est que nos décideurs ont intéret à laisser les trafics – voire ils « touchent » ?
Et nous servez pas votre morale à la staline ou mao siouplait, on emprisonne ou on rééduque ceux qui ne font pas comme vous…
Dommage qu’il n’existe, a priori, aucun roman sur cette histoire car elle semble rocambolesque. Pour rejoindre certains propos, personne n’a incité ces « jeunes innocents » à se droguer et jamais lu ou entendu un proces contre l’Etat pour vente de cigarettes tout aussi mortelles ….. Allons soyez sérieux dans vos propos et rattachez à chacun son degré de responsabilités !!!
En fait il existe un bouquin sur le sujet paru depuis quelques semaines ici au Québec: Raymond Boulanger, le pilote mercenaire.
Excellent billet. Un billet du même genre pour Dutroux ne serait pas mal non plus. Il regrette seulement de s’être fait prendre lui aussi. Et ce serait plus croustillant, non ? …et tout aussi moral.
très bon billet , les histoires de gros criminelles toujours entre l’exagération et la réalité .. très plaisant à lire en tout cas !
On imagine la réponse du ruffian, le médius en haut… mdrrr
@Ted, le méchant trafiquant de drogue et les gentilles victimes, si c’est pour commenter un article assez rare pour être intéressant avec des lieux communs pareils vous auriez pu vous s’abstenir.
Excellent, Georges! merci pour ce billet!
Eh ben dites donc, quelle vie ! Comment démêler le véridique de la légende ?