Il y a quelques jours, deux jeunes hommes ont été tués par des policiers. Cela s’est passé à Vénissieux, dans la banlieue sud de Lyon, non pas lors d’un banal contrôle routier, mais au cours d’une intervention à connotation pénale sur un véhicule signalé volé à l’arrêt sur le parking d’une grande surface. Une situation qui laissait présager un « mauvais coup ». Ce que les juristes appellent un délit d’apparence.
Dans la nuit du jeudi 18 août 2022, peu après minuit, l’attention de quatre policiers de la brigade spécialisée de terrain de Vénissieux (BST) est attirée par une Renault Megane en stationnement sur l’immense parking d’un centre commercial. Deux hommes sont à bord, la voiture est signalée volée. C’est le type même d’une intervention à risques. En l’état, difficile de dire comment les événements se sont enchaînés, mais tout se joue en quelques dizaines de secondes : le chauffeur aurait d’abord levé les mains, puis il aurait manœuvré pour s’enfuir, renversant un gardien. Le policier blessé et l’un de ses collègues auraient alors fait usage de leur arme à huit reprises. Adam, le passager, âgé de 20 ans, est mort sur le coup ; le conducteur, Reihane, 26 ans, est décédé peu après. On nous les présente comme des « multiréitérants », un néologisme pour désigner des individus qui ont eu des comptes à rendre à la police mais non à la justice. Peu importe, même multirécidivistes, il s’agit là d’informations connues après coup.
Cette fusillade unilatérale qui succède à d’autres tout aussi meurtrières (Pont-Neuf, Barbès…) pose question, car, contrairement aux allégations entendues ici ou là, notamment dans la bouche de politiciens plutôt rétrogrades dès qu’il est question de nos valeurs républicaines, l’usage des armes par les forces de l’ordre doit être l’exception. On signe pour sauver des vies, pas pour les prendre. L’entraînement des policiers du RAID ou des gendarmes du GIGN est d’ailleurs basé sur la sauvegarde de la vie humaine. « C’est un échec », aurait dit un jour un gradé de la gendarmerie après que ces hommes eurent tué un preneur d’otages.
Cependant, la loi du 28 février 2017 a inséré dans le code de la sécurité intérieure (CSI) l’article L 435-1 qui modifie la perception de la légitime défense. Il existe donc aujourd’hui deux vitesses : la légitime défense qui s’applique aux particuliers, et une autre, modulée pour les représentants de la puissance publique. Cela n’est pas anormal, dans la mesure où policiers et gendarmes sont confrontés à des situations que ne connaît pas le citoyen lambda, dans la stricte limite toutefois du respect du « droit à la vie », comme il est dit dans la Convention européenne des droits de l’homme. C’est pourquoi l’ambiguïté du paragraphe 4 de cet article du CSI pose question : l’usage des armes est possible pour immobiliser un véhicule « dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celle d’autrui ». (Il faut comprendre la vie des policiers ou des gendarmes, pas celle des occupants du véhicule.)
On imagine le flic devant le refus d’obtempérer d’un chauffeur qui, en pleine nuit, s’interroge : les occupants de cette voiture ont-ils l’intention de fuir le contrôle, ou d’attenter à ma vie ou à celle d’autrui ?
Cet article du CSI, écrit avec le pied, est une diversion démagogique digne du quinquennat Hollande, car il appartient au législateur de dire clairement le droit afin d’effacer le doute qui nous interpelle à chaque nouvelle fusillade des forces de l’ordre et qui, je le suppose, doit laisser les magistrats dubitatifs. Comment rendre la justice en se basant sur un texte aussi approximatif ?
Sans surprise, depuis la Corse – il est sur tous les feux – le ministre Darmanin lui ne s’est pas posé de question. Il a immédiatement réaffirmé son « soutien a priori » à tous les policiers et les gendarmes de France qui font face tous les jours à des refus d’obtempérer. « Alliance » était aux anges. Continue reading
10 réponses à “Refus d’obtempérer : Halte au feu !”
Mon pauvre moreas…. Complètement à côté de ses pompes…. La vieillesse est pour toi un naufrage….
Pour faire naufrage, il faut avoir eu le courage de larguer les amarres.
Monsieur Moreas je vous en veux : vous me rendez la Police sympathique comme au temps des voitures siglées Police Secours et des gardiens de la paix .
Maintenant c’est Police nationale et FDO ce que je retranscrits par Féroces De l’Ordre.
Comment refaire confiance à des gens qui ont demandés et obtenus d’employer des grades militaires pour remplacer le titre civil d’inspecteur ? Comme dans la Milice de Darnand ……
je pense que la retraite et les avantages sociaux ne sont pas les mêmes et que c’est la raison de ce changement.
Ce droit de « tirer dans le dos » appartenait aux militaires, donc aux gendarmes et pose apparemment problème depuis que la police a réussi à obtenir ce droit. Merci aux pros de nous éclairer.
Les gendarmes n’ont jamais eu le droit de « tirer dans le dos » : ils avaient juste l’autorisation de faire feu en cas de fuite d’un prisonnier, avec un ensemble de conditions associées.
Ils ont aussi des autorisations spéciales pour la défense de zones militaires ou spéciales (centrale nucléaire, aéroport), mais avec des limites et des conditions. Et c’est lié à leurs missions en cours (un gendarme non affecté à une centrale nucléaire n’a pas à y aller pour y faire feu…).
Tout le reste est lié à la légitime défense
La police n’a pas non plus le droit de « tirer dans le dos » : ils n’ont que et uniquement la légitime défense. Donc ils ont le droit de tirer que sur l’auteur d’une action immédiate mettant en jeu la vie de quelqu’un d’autre.
Il est donc formellement interdit de :
– tirer sur un passager (ce n’est pas un auteur)
– tirer sur une voiture arrêtée (pas de risque immédiat)
– tirer sur une voiture en fuite ne menaçant personne
Et bien sûr interdiction de tirer « dans le tas », et donc dans les gens (civils ou pas) alentours.
Et le problème des tirs dénoncés, c’est que la légitime défense n’est pas toujours établie, surtout quand un passager est touché.
L’ouverture du feu est aussi trop souvent non maîtrisé : le nombre de tir, y compris avec des armes semi automatique, avec au final un mort, le montre. Manque d’entrainement, de sang froid, de nombre de personnels en intervention, d’encadrement par la hiérarchie…. Les causes sont multiples, mais les réponses ne vont pas dans ce sens.
Je n’ai jamais compris pourquoi il était « accepté » voire quasi « encouragé » d’abattre le passager d’un véhicule. Par définition, ce dernier ne conduit pas le véhicule, peux même être totalement étranger au conducteur et ne devrait pas être ciblé. Il s’agit donc d’un homicide, non couvert par la légitime défense.
Le jour où ce passager abattu sera un simple auto stoppeur, voire un enfant (je doute que les balles ne tapent pas les passagers à l’arrière), voire même un otage qu’il fallait sauver, je doute que les policiers qui auront tiré n’aient pas de gros regrets, voire pire.
L’ouverture du feu est encouragée par des politiques débiles, qui ne veulent surtout pas donner les moyens suffisants pour que les interventions se fassent sans tirer : bloquer la voiture cibler demandait ici plus que 1 véhicule.
Et ça encourage une spirale de violence : si un conducteur est certain de se faire abattre, il n’hésitera pas à percuter pour tuer, entrainant forcément une augmentation des tirs pour tuer, et donc des percussions pour tuer, etc…
Et les seuls qui auront peur seront ceux qui n’auront de toute manière pas bougé, les honnêtes gens. Qui se feront quand même tirer dessus. Entrainant donc d’autres réactions plus dures.
L’époque est bien en train de changer, mais pas en bien…
…Je ne suis pas certain que l’affaire de Venissieux soit le meilleur choix pour illustrer votre propos, que je peux rejoindre pour partie..Dans ce cas d’espèce, on parle d’un véhicule dont le conducteur semble avoir sciemment renversé un collègue pour prendre la fuite, entraînant l’ouverture du feu des membres du dispo…On n’est quand même pas très loin de la THV sur AFP…
Vous pourriez m’objecter que l’ouverture du feu des collègues se fait après que le fonctionnaire se soit fait percuter, et que le véhicule incriminé s’éloigne, ce qui n’autorise donc plus le tir….sauf que, et pour avoir déjà vécu une situation presque analogue, les tirs des collègues ont du être quasi concomitants à cette « THV »…Donc je dirai qu’il convient d’éviter de refaire le match sans avoir été sur place, et que seule une enquête minutieuse permettra d’y voir plus clair…Etant rappelé, et là je vous rejoins, que l’usage des armes ne peut être autorisé dans n’importe quelles conditions, sinon gare aux dérives..
Soutien aux forces de l’ordre !
Seuls les anarchistes gaucho peuvent pondre un tel article. Ils ont besoin que la France soit à feu et à sang pour pouvoir exister.
Les extrêmes sont mauvais que ce cela soit de gauche ou de droite .
On vit dans une démocratie et un État de droit et cela doit être respecté.
Les cowboys et autres nostalgiques des escadrons de la mort n’ont rien à faire dans la police.