Nos téléphones portables sont des mouchards de poche, et à ce titre ils intéressent au plus haut point les enquêteurs de police judiciaire ou ceux des services de renseignement, ainsi que les magistrats – et parfois aussi, des personnages couleur de muraille dont l’objectif premier n’est ni de servir la société ni la justice. À question simple, réponse compliquée : devons-nous fournir le code de déverrouillage de notre mobile à la demande d’un policier ou d’un gendarme ?

Il faut dire qu’à la suite du dernier avertissement de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), le sujet est devenu primordial. Celle-ci, on s’en souvient (voir en fin de texte) a fait les gros yeux après plusieurs arrêts qui n’ont pas vraiment été suivis d’effets : en deux mots, a-t-elle rappelé, les données de connexion et de géolocalisation ne peuvent pas être conservées ad vitam par les opérateurs téléphoniques. À cela, deux exceptions : la criminalité organisée et la sécurité nationale, en cas d’une menace « grave, actuelle ou prévisible ». Non sans traîner les pieds, la France s’est pliée. En octobre 2021, trois décrets concernant la conservation des données ont été publiés : pour déroger au principe de non-conservation, il faut que les opérateurs reçoivent une injonction d’un magistrat indépendant (donc pas un membre du parquet), ou du Premier ministre.

Motorola des années quatre-vingt-dix

Devant cette situation que nos dirigeants n’avaient pas anticipée – comme d’habitude -, les flics ont eu un coup de blues. D’où l’idée de recueillir les renseignements à la source, c’est-à-dire, non plus chez l’opérateur, mais dans nos téléphones. Ils ont dû déchanter, car à l’évidence, personne, honnête ou malhonnête, n’a envie d’ouvrir son mobile à un inconnu : il y a trop de choses personnelles dedans.

Comme les élus n’ont guère envie de légiférer sur un sujet qui risque d’irriter leurs électeurs, ce sont les hauts magistrats qui se sont attelés à la tâche en tentant de tortillonner un texte vieux d’une vingtaine d’années, adopté après le 11-Septembre, pour un temps limité (!), avec d’autres, tout aussi liberticides. Mais comment faire coller la technologie actuelle avec une décision prise à une époque où la téléphonie mobile était encore à un stade embryonnaire ? Adapter aux temps modernes l’article 434-15-2 qui vise une « convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie », lorsque ce cryptage est « susceptible d’avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit », tient du défi.

Sous couvert d’une modeste affaire de stups, la Cour s’est donc penchée sur le cas d’un individu poursuivi pour usage et revente de cannabis. Continue reading