PARTIE 1 – Le début du siècle dernier, a surtout été la « belle époque » pour les voleurs, les assassins et les terroristes, lesquels, devant l’incurie des services de la police et de la maréchaussée, s’en donnaient à cœur joie.
L’accroissement exponentiel des crimes et des larcins ne pouvait laisser insensible le « premier des flics ». Non, ce n’était ni Pasqua ni Sarkozy ! mais Georges Clemenceau, alias « Le Tigre ». En effet, quoi qu’il cumulât les fonctions de président du Conseil et de ministre de l’Intérieur, c’est ainsi que se baptisait lui-même le grand homme moustachu, celui-là même qui, alors qu’il était rédacteur en chef à l’Aurore, encouragea Zola à écrire sa tirade sur l’affaire Dreyfus. C’est lui, dit-on, qui sortit de son chapeau le titre de l’article, le fameux « J’accuse ! »
Le 30 décembre 1907, Clemenceau signe un décret instituant douze brigades régionales de police mobile, plus connues sous le nom de « brigades du Tigre ». Composées seulement d’une dizaine d’inspecteurs et de deux commissaires, chacune sera dotée (et c’est une première) de 4 limousines De Dion-Bouton.
C’est ainsi, après des palabres multiples avec le garde des Sceaux, que la police judiciaire se transforme en un service de police opérationnel. La charte des brigades mobiles est adoptée (elle s’imposera jusqu’en 1941) et le commissaire Jules Sébile hérite du bébé.
Dès leur création, ces brigades s’attaquent aux bandits itinérants, qui pullulent, et obtiennent très vite de nombreux succès. Le plus conséquent est sans conteste l’arrestation d’un vagabond nommé Vacher. En dix ans, cet olibrius s’était rendu coupable de 41 assassinats. Il violait ses victimes, des adolescents de treize à dix-huit ans, les tuait et les dépeçait.
La première grande réussite médiatique de ces policiers fut le démantèlement de la célèbre « bande à Bonnot », qui coûta la vie à Louis Jouin, le numéro 2 de la sûreté. Cette équipe de malfaiteurs initia en 1911, rue Ordener, à Paris, une nouvelle forme de banditisme qualifiée par la suite de « vol à l’affolement », technique reprise aux États-Unis dans les années 30. Jules Bonnot fut arrêté à Choisy-le-Roi le 28 avril 1912. Grièvement blessé, il mourut peu après. On dit de ce truand atypique et anarchisant, qu’il fut (mais c’est sans doute une légende) un temps le chauffeur d’un certain… Sir Arthur Conan Doyle, le père de Sherlock Holmes.
Moins sordide, on peut se rappeler de ces années-là le vol de La Joconde. L’enquête menée par la brigade parisienne de recherches aboutit à l’arrestation de deux suspects qui furent longuement interrogés avant d’être relâchés. Il s’agissait de deux marginaux, nommés… Apollinaire et Picasso. Mona Lisa regagna le musée du Louvre deux ans plus tard, grâce à un antiquaire italien.
Les deux dernières grandes affaires d’avant 1914 furent l’assassinat de Jean Jaurès et celui du directeur du Figaro, Gaston Calmette.
Le 16 mars 1914, Henriette Caillaux, épouse du député Joseph Caillaux, tue Gaston Calmette, le directeur du Figaro, par crainte que son passé sentimental ne s’étale sur la place publique. Le bruit des bottes s’amplifie et Caillaux, l’homme politique le plus en vue du moment, pacifiste reconnu, ne deviendra pas président du Conseil – ce qui aurait peut-être changé le cours des choses, pense l’historien Jean-Denis Bredin. En tout cas, ce coup de revolver est le premier d’une série de trois qui entraîneront la France et l’Europe dans la plus grande tragédie de leur histoire. Le second visera l’archiduc Ferdinand à Sarajevo et le troisième Jean Jaurès, au café du Croissant, le 31 juillet de la même année.
Landru, le criminel qui a marqué l’époque – Au bruit du canon, apparaît un étrange barbu, Henri-Désiré Landru, très vite surnommé Barbe bleue (par amalgame avec le personnage de la légende orientale, repris par Charles Perrault) qui de 1914 à 1919 s’est « consumé » d’amour pour une kyrielle de femmes. Ce spécialiste du « meurtre au mariage » n’est pas l’inventeur de la méthode. Avant lui, aux États-Unis, en 1895, Johann Hoch épousa 24 femmes et en empoisonna la moitié. Il fut pendu. À la même époque, l’Américaine Belle Gunness, profitait du sommeil de ses nouveaux maris pour les assassiner à la hachette. On a cru qu’elle était morte dans l’incendie de sa ferme, en 1908, mais il est probable qu’elle s’échappa en laissant sur place le corps d’une autre personne pour donner le change.
Landru fut arrêté par les inspecteurs Belin et Riboulet (de vrais policiers avec un nom de flics de cinéma !). Ce dernier surprit Landru au moment où il tentait de se débarrasser d’un petit calepin, sur lequel il notait tout. Ce fut la preuve décisive lors de son jugement, car l’accusation ne parvint pas à exhiber le moindre cadavre. Cela rappelle d’autres procès…, mais pour Landru, bien qu’il ait toujours clamé son innocence, personne n’a jamais soulevé l’hypothèse d’une erreur judiciaire. Lorsque le président de la cour d’assises de Versailles lui a donné la parole, avant le délibéré, il a simplement déclaré : « Je n’ai qu’une chose à dire, votre Honneur, je n’ai jamais commis de meurtre. C’est ma dernière protestation. » Mais, pour l’opinion publique, la cause était entendue. Et pour le gouvernement, cela tombait à pic pour détourner l’attention du bon peuple de choses plus sérieuses, comme la conférence de Paris – qui devait aboutir au traité de Versailles. Landru fut jugé pour onze meurtres, mais on retrouva lors des perquisitions des traces de correspondance avec… 169 femmes. Pendant des années, chaque découverte macabre a fait l’objet d’une enquête approfondie pour s’assurer qu’il ne s’agissait pas d’une victime de ce triste personnage. Lors de son procès, devant la cour d’assises de Versailles, il déclara : « J’ai le cœur brisé de penser que, à cause de tout ce scandale, ma femme sait que je lui ai été infidèle. » Il fut guillotiné le 25 février 1921. Webb Miller, un journaliste américain, a écrit : « Landru, les mains liées derrière le dos, était encadré par deux geôliers… Les deux hommes l’installèrent rapidement, la face contre la planche basculante… La chute du couperet fut instantanée et la tête tomba avec un bruit mat dans le petit panier… vingt-six secondes s’étaient écoulées. »
L’inspecteur Belin, dans son livre de souvenirs Mon travail à la Sûreté, confie cette curieuse analyse : « … je ne pouvais m’empêcher d’avoir pour lui une admiration réelle. Parfois, il me donnait l’impression d’être une épave dans un monde hostile auquel il faisait face avec courage et sang-froid. C’est peut-être cette trace de désenchantement dans sa nature qui attirait l’esprit sentimental des femmes plutôt que son soi-disant pouvoir hypnotique. »
_____________
7 réponses à “L'origine de la PJ”
[…] PARTIE 14 – Depuis la disparition brutale de Georges Pompidou, le 2 avril 1974, l’élection présidentielle a toujours lieu au printemps. En cette année 1981, les Français s’y préparent, mais pas la droite. Elle part au combat en ordre dispersé. Tandis que Mitterrand énumère ses « 110 propositions », Coluche lance son slogan de campagne : « Jusqu’à présent la France était coupée en deux, avec moi, elle sera pliée en quatre ! » Pour la police, c’est une année de transition. […]
[…] PARTIE 11 – A la fin des années 1970, la décrépitude du clan Zemour est en marche. Le guet-apens du café Le Thélème y est sans doute pour beaucoup. Un an plus tard, le 13 septembre 1976, la mort du chef des Siciliens, Jean-Claude Vella, abattu à Paris, puis celle de Marcel Gauthier, revolvérisé à Nice, suffiront, semble-t-il, pour effacer l’ardoise. L’honneur est sauf, se disent les Zemour. Edgard s’installe en Floride et Gilbert s’embourgeoise dans les beaux quartiers parisiens. Pour eux, le châtiment interviendra plus tard. Les règlements de comptes entre truands ne sont pas terminés pour autant. Maintenant, c’est Gaétan Zampa et Francis Vanverberghe (Le Belge) qui font tonner la poudre. Dans les années 77 et 78, c’est une petite dizaine de voyous qui passent ainsi l’arme à gauche, tous dans le sud de la France. Cette hécatombe, c’est la goutte d’eau. Après l’affaire du Palais de la Méditerranée, le casse de la Société Générale et quelques autres tripatouillages politico-mafieux, en 1978, en pleine période estivale, Nice va s’enrichir d’une brigade antigang. […]
[…] PARTIE 8 – Le démantèlement de la French connection, à Marseille, et surtout le durcissement de la législation concernant le trafic de drogue, font comprendre aux « survivants » qu’il est temps de changer de négoce. Tandis que Vanverbergh, alias Francis le Belge bronze rayé derrière les barreaux, Zampa étend son activité en direction du monde du jeu. C’est alors qu’un nouveau larron vient bouleverser la donne, Jacques Imbert, dit Jacky le mat. Pour montrer qu’il « en a », il n’hésite pas à racketter Jean-Dominique Fratoni, le patron du tout nouveau casino à Nice, le Rhul. […]
Vos articles sur la justice et la peine de mort sont particulièrement intéressants. J’ai relu votre article sur l’affaire Dreyfuss. Quel courage Zola a eu avec son j’accuse. Un grand moment dans l’histoire. Il y a eu un téléfilm très bien fait à ce propos que j’ai enregistré. Pour ce qui est de la peine de mort, vaste question. De tous temps il y a eu des criminels aussi effroyables les uns que les autres. Aujourd’hui, la peine de mort a disparu en 1981. Ce que je trouve dommage, c’est qu’il n’y ait plus de peine perpétuelle ce que je trouve nul par rapport au crime lui même. Et en cela, je pense aux familles des victimes qui n’ont pas pu avoir pleine justice pour les monstruosités qu’ont pu subir leurs enfants.
Mais je pourrai parler de cette chose pendant des heures. J’ai créé récemment un blog dont voici l’adresse
http://c-est-ca-la-france.over-blog.com
J’y parle justement de justice et particulièrement des différents critères : les personnes dangereuses pour la société et les crimes frauduleux. J’aimerai bien que vous lisiez cet article et savoir ce que vous en pensez. Bonne soirée et encore félicitation pour vos articles.
Réponse à Mousse
Tiens, revoilà Mousse ! avec ses questions pièges …
C’est un scientifique, le professeur Locard, qui a le premier utilisé ce thème. Il faut se rappeler que Bonnot et sa bande étaient des anarchistes. Leur but n’était pas de prendre de l’argent, mais de combattre la société, en déstabilisant (affolant ?) le système. Malgré leurs crimes, ils étaient d’ailleurs assez populaires – mais le « système » a été le plus fort.
Merci pour cette historique particulièrement intéressant.
Moi aussi, je suis passionné d’histoire, mais surtout d’histoire politique. J’ai d’ailleurs participé à la rédaction d’une encyclopédie politique :
http://www.politique.net
Bonne journée !
« Vol à l’affolement » ?? C’est amusant comme expression. On aimerait en savoir plus !