LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

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Gilets jaunes et ménage de printemps à la PP

Pour masquer son incapacité à régler politiquement un problème de société, le gouvernement a décidé d’étêter la préfecture de police de Paris, en commençant par le préfet, Michel Delpuech, dit Louis XIV (on n’est pas à deux Louis près). Et dans la corbeille, ces prochaines semaines, les têtes risquent de s’entasser, car c’est bien la PP qui est dans le collimateur. Approche l’aube des boucs commissaires !

D’après Le Canard enchaîné, pour se dédouaner, Delpuech aurait proposé au Premier ministre, pour les manifs à venir, des mesures de quasi-guerre civile : état d’urgence (l’état de siège, c’est pour plus tard) interdiction de manifester dans la capitale, couvre-feu, fermeture des bouches de métro, etc. Des trucs aberrants, mais qui, en grattant bien, peuvent néanmoins trouver une base légale. Ce qui n’est pas toujours le cas des instructions données aux forces de l’ordre ces dernières semaines.

Pour Édouard Philippe, la raison du pataquès de samedi dernier tient au fait que la stratégie adoptée par le gouvernement n’a pas été correctement exécutée. « Il y a eu des dysfonctionnements », a-t-il souligné, faisant notamment référence au fait que les policiers et les gendarmes ont reçu des munitions moins puissantes (en fait les munitions préconisées par le fabricant) pour garnir les lanceurs de balle de défense et aussi pour en limiter leur usage. Pas un mot de reproche au ministre de l’Intérieur, responsable en droit du maintien de l’ordre public. Ni la moindre interrogation sur l’état d’esprit des CRS et des gendarmes mobiles.

On entend tout à propos de ces manifestations hebdomadaires et de cette arme, le LBD 40 : ceux qui disent « Faut tirer dans le tas ! » et ceux qui implorent « Arrêtez le massacre ! ». Mais la crainte des gens de métier, c’est de voir demain un gilet jaune pépère tué par les forces de l’ordre. Et il y a des voix qui s’élèvent dans la police (pas assez je trouve), pour dire qu’il serait temps pour ceux qui nous rabâchent que la France est un État de droit de mettre leurs instructions en adéquation avec leurs allégations. Christophe Castaner devrait prendre à son compte ce précepte républicain : dans une manifestation politique, il n’y a pas d’ennemis à combattre, mais des Français à convaincre ; plutôt que de s’exposer à un sobriquet en prônant la castagne.

En attendant, certains font de la résistance passive, comme ces OPJ d’un commissariat parisien cités par Mediapart, qui renâclent à effectuer les gardes à vue d’opérette prescrites par leur hiérarchie, des gardes à vue qui ressemblent à s’y méprendre à des arrestations administratives. Et ils n’ont pas tort, car, quelles que soient les instructions, chaque policier, chaque gendarme, est responsable personnellement de ses actes. Que ce soit en mordant les lignes du code de procédure pénale ou en dénaturant l’usage de la force légitime.

Pour s’en convaincre, ils n’y a qu’à ouvrir le code de déontologie.

Celui-ci rappelle le devoir d’obéissance « sauf dans le cas où Continue reading

À la recherche d’un maintien de l‘ordre républicain

Dans son discours de fin d’année, le président Macron s’est montré menaçant, stigmatisant les Gilets jaunes et affirmant que l’ordre républicain serait assuré « sans complaisance ». Une réflexion qui a fait réagir pas mal de policiers, dont ceux du syndicat contestataire (et contesté) « France Police – Policiers en colère » qui rappelle que depuis le 17 novembre, « plusieurs manifestants pacifiques ont été probablement mutilés par nos LBD [lanceurs de balles de défense] et nos grenades de désencerclement ». Et les syndicalistes de s’interroger pour savoir ce que les policiers doivent faire de plus pour être moins complaisants avec les Gilets jaunes !

Charpentier, 1957

Il faut reconnaître que dans notre pays, un tel usage de la force et des armes pour disperser des manifestants nous ramène loin en arrière.

Si au temps d’une vie notre mètre étalon est Mai-68, le préfet de police, le ministre de l’Intérieur et autres, devraient relire (ou lire) la lettre individuelle que le préfet de police Maurice Grimaud, adressa à chacun des policiers parisiens, quel que soit son grade, près d’un mois après le début des manifestations : « … Je veux parler d’un sujet que nous n’avons pas le droit de passer sous silence : c’est celui des excès dans l’emploi de la force. » Dans ce courrier, tout en se montrant solidaire de « ses » hommes, il a le courage de leur dire que la réputation de la police – notre réputation, écrit-il – est en jeu : « Frapper un manifestant tombé à terre, c’est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière. » Mais Grimaud ne s’est pas contenté d’écrire, bien calé dans son fauteuil de cuir, en regardant depuis sa fenêtre Paris s’enfiévrer. Non, chaque jour, il était sur le terrain, sillonnant les rues de la capitale, seul, sans garde du corps, au volant de sa 4 L banalisée, parlant avec les uns, avec les autres. Et ses commissaires l’ont imité : ils sont allés dialoguer. « Une manifestation dans laquelle on a pu établir des contacts se passe infiniment mieux que celle où l’on va comme sur un champ de bataille », dira-t-il, quarante ans plus tard.
La stratégie utilisée lors des manifestations de Mai-68 dans la capitale a assis la réputation de la police française dans le monde entier.

Qu’en reste-t-il aujourd’hui ?

Un autre préfet avant lui, Louis Lépine, avait tenté de faire entrer dans les mœurs un maintien de l’ordre apaisé en tentant de répondre à cette gageure : tenir la rue contre les « trublions » tout en respectant le droit de chacun à manifester sans risque pour sa vie. Continue reading

Gilets jaunes : manifestants, trublions ou révolutionnaires ?

Pour la première fois depuis longtemps, la France connaît un mouvement populaire, spontané, sans arrière-pensée politicienne, juste pour dire : « Ça ira ! » En manifestant ainsi, en dehors des clous, les Gilets jaunes prennent des risques : le risque d’un mauvais coup ou d’une bouffée de lacrymogène, mais surtout celui d’être confrontés à une législation qui dénature le droit de manifester ses opinions, notamment en créant une responsabilité collective qui tient plus de la loterie que de la justice.

En fait, nous dit l’article 431-3 du code pénal, tout rassemblement sur la voie publique susceptible de troubler l’ordre public devient un attroupement. Et le code de la sécurité intérieure (art. 211-9) rappelle qu’un attroupement peut être dispersé par la force après deux sommations de l’autorité compétente. Le manifestant qui n’obtempérerait pas, risquerait, d’abord de subir des « violences légitimes », et/ou un an de prison, trois s’il a le visage masqué, et même cinq s’il est porteur d’une arme par nature ou par destination.

Pourtant, à l’issue de la manifestation de samedi dernier sur les Champs-Élysées, une vingtaine de personnes se sont retrouvées devant la 23° chambre correctionnelle de Paris, celle des comparutions immédiates, non pour délit d’attroupement mais pour « participation à un groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations ». Il leur a donc été appliqué la loi « anti-bande » du 2 mars 2010, indigne héritière de la loi anti-casseurs des années post soixante-huitarde. Lors de la discussion de cette dernière, à l’Assemblée nationale, le député Mitterrand avait dit : « Cette loi est dangereuse parce qu’elle altère gravement le droit de rassemblement. »

Sa remplaçante ne vaut pas mieux. Elle est d’ailleurs sévèrement critiquée par les juristes, qui considèrent qu’il s’agit là d’un droit flou et dérogatoire : l’association de malfaiteurs du pauvre, en quelque sorte. Sous prétexte de protéger les citoyens des violences de groupes, disait en 2009 le Syndicat de la magistrature, « ce texte contribuera à pénaliser à la fois les plus démunis et ceux, militants et citoyens, qui veulent agir ensemble pour faire connaître leurs droits ».

On est en plein dedans. Continue reading

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