Jacques Mesrine, « L’ennemi public n° 1 » pour les Français, « Mister Jacky », pour les Québécois, est mort criblé de balles le 2 novembre 1979. Il avait 42 ans. Sa traque finale s’est étalée sur plusieurs mois, mais durant des années, chez nous comme au Canada, il n’a eu de cesse de faire parler de lui, pavoisant dans les médias, dénonçant un système pénitentiaire déshumanisé, fustigeant le pouvoir politique, menaçant les journalistes, les magistrats, et sans cesse provoquant les flics. Il devait mourir, il le savait, mais il rêvait d’un face-à-face, l’arme à la main, les bottes aux pieds et le soleil dans les yeux. Comme dans un western. Il est parti sans éclat, saucissonné sur le siège de sa BMW, sans avoir eu le temps de glisser la main dans sa sacoche, à ses pieds, dans laquelle se trouvaient son nouveau hochet, un Browning GP 35, et deux vieilles grenades quadrillées qui ne le quittaient jamais. Ce jour-là, sa légende est née.
C’était un vendredi, il était 15 h 15. Porte de Clignancourt, l’embouteillage a été colossal.
Moi, j’ai suivi l’opération depuis le PC de l’Office central pour la répression du banditisme. Lorsque Mesrine est sorti de sa planque, rue Belliard, le trafic radio s’est intensifié. Puis, tout est allé très vite. Sous les crachotements, j’ai cru entendre une voix qui disait « Oh putain, ça flingue ! » Ensuite un long silence, plus fort que tout : ce moment qui succède à la tension d’une intervention à haut risque.
Comme beaucoup de flics, je me suis senti frustré par cette fin brutale. Cet événement marquait la fin d’une épopée criminelle hors du commun et, d’une certaine manière, l’épilogue aux années folles de la PJ.
Chacun d’entre nous rêvait de passer les pinces au « Grand » et d’un face-à-face, le temps d’une garde à vue – sans avocat, à l’époque. Dans son livre de souvenirs (De l’antigang à la criminelle, Plon, 2000), le commissaire Marcel Leclerc (c’était loin d’être un affreux gauchiste) disait de lui : « La première impression qui se dégage du personnage, c’est la sensation intense d’une présence. Il est là. Il capte le regard, d’abord par son apparence physique athlétique, ensuite par la force de sa personnalité, mélange de gouaille, de séduction et de brutalité. »
Oui, qu’on le veuille ou non, Mesrine était un truand hors norme, non pas en raison de son parcours criminel, mais en raison de sa personnalité – à facettes multiples. Il a passé sa vie à la jouer. Comme un comédien sur les planches. Il nous avait dit « Attrape-moi, si tu peux ! » Jeu de piste, jeu de rôle…, le jeu a tourné court. Continue reading