Il y a quelques jours, la voiture de Mme Bernadette Chirac a heurté un chevreuil sur l’autoroute A20, à une cinquantaine de kilomètres de son château de Bity, à Sarran, en Corrèze. On ne va pas lui en tenir rigueur, d’autant que ce n’est pas elle qui conduisait, mais son « officier de sécurité ». Ce petit fait divers attire l’attention sur l’incidence de nos transhumances estivales sur les animaux sauvages, désorientés par ce va-et-vient incessant, et aussi, hélas ! sur les animaux de compagnie, qui deviennent parfois encombrants.

Photo de Didier Weemaels, prise forêt de Soignes (site Flickr)

Au volant, si vous heurtez un animal en liberté, votre responsabilité n’est évidemment pas engagée. S’il s’agit d’un animal sauvage, vous pouvez même prétendre à une indemnisation du « fonds de garantie ». Pour cela, il faut prendre soin de préserver, à l’attention de l’expert, les traces laissées par le choc (sang, poils…). Mais s’il s’agit d’un animal dont le propriétaire est identifié, c’est vers lui que la compagnie d’assurance ou la justice se tournera.

« Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé », dit le Renard au Petit Prince. C’est un peu ce que nous rappelle l’art. 1385 du code civil (créé par une loi de 1804) : « Le propriétaire d’un animal (…) est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé. »

Cette responsabilité peut d’ailleurs être pénale. Mais, ce que l’on sait moins, c’est que les animaux possèdent eux aussi des droits. La loi les protège des humains.

Ce qui ne va pas sans poser problème, car il n’est pas raisonnable de donner aux bêtes, comme pour les hommes, une véritable identité juridique. Et si la tendance actuelle va vers la personnification de l’animal, il faut se garder de tout anthropomorphisme. Chacun doit rester dans sa peau.

Il existe, depuis 1987, une Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie. La France l’a ratifiée en 2004, avec toutefois une restriction sur un alinéa : la coupe de la queue, qui porte le nom savant de caudectomie. Une intervention chirurgicale qui – chez nous – se pratique encore sur les porcelets et parfois aussi sur les chiens. Pour ces derniers, il y a quelques années, un député avait même proposé que l’on en revienne à la pratique de la coupe des oreilles…

Voyou (photo perso) - Des fois, je lui taillerais bien les oreilles en pointe...

Il faut dire que de la zoolâtrie à la diabolisation, l’histoire nous montre que nos relations à l’animal ne sont pas simples. C’est un domaine où la raison marque souvent le pas. Ainsi, au Moyen Âge, les animaux pouvaient être cités en justice. On dit même qu’au début du siècle précédent, en Suisse, un chien a été jugé coupable de complicité de meurtre et exécuté. Plus près de nous, la Cour de cassation a estimé que les mauvais traitements infligés à un animal étaient en partie de sa faute, en raison de son comportement. Or, il est évident que si l’on donne une responsabilité pénale à une bête, il faut en contrepartie lui donner des droits juridiques. On frôle les fables de La Fontaine… Et, à force de « bons sentiments », on en arrive à des absurdités. En fait, si l’on appliquait le code pénal, cela ne serait déjà pas si mal. Comme l’article 521-1 qui punit de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende le fait d’exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou  de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique ou apprivoisé – ou simplement tenu en captivité. Alors que bizarrement, la mise à mort, sans nécessité, n’est punie que de l’amende prévue pour la contravention de 5° classe.

En fait, les infractions qui visent les violences aux animaux n’encombrent pas les tribunaux. Mais les choses évoluent vite. On se souvient qu’en 2009 une jeune femme a été condamnée à 6 mois de prison ferme pour avoir aspergé un chien d’essence avant qu’un gamin y mette le feu. (L’animal, brûlé à 50 % a néanmoins survécu.) Et, en 2007, la Cour de cassation a confirmé que les actes de sodomie effectués par un homme sur son poney étaient des sévices sexuels, entérinant ainsi la condamnation à un an de prison avec sursis. Et comme cette déviance va souvent de pair avec des réseaux zoophiles, en 2010, une proposition de loi a été déposée pour lutter contre la diffusion d’images mettant en scène des animaux.

Volontairement, le code pénal ne parle pas  d’animaux de compagnie. Il va au-delà. Dans la pratique, on peut retenir trois catégories :

L’animal de compagnie – C’est celui qui est détenu ou destiné à être détenu par l’homme pour son agrément (art. 214-6 du code rural).

L’animal domestique – Un arrêté de 2006 fixe la liste « des espèces, races ou variétés domestiques », du moins au sens du code de l’environnement. La définition qu’il en donne est quasi incompréhensible. Pour simplifier on peut dire qu’il s’agit des animaux qui ont fait l’objet d’une sélection par l’homme. On y trouve des mammifères, des oiseaux, des poissons et même des insectes, comme le ver à soie. L’animal de compagnie figure donc dans la liste des animaux domestiques.

Le cheval aussi, tout comme le bœuf, le porc, etc. En 2010, des députés ont déposé une proposition de loi pour que cet équidé soit considéré comme un animal de compagnie. Comme argumentaire, ils défendaient l’idée que de nos jours rien ne différencie un cheval d’un chien, animal qui peut être un outil de travail tout comme un compagnon de loisir. Sauf que les chiens ne finissent pas à l’abattoir… Sur le site de la Fondation Brigitte Bardot, on peut lire que 850 équidés seraient tués chaque jour en France. Mais le Canada reste notre principal fournisseur de viande de cheval. À ma connaissance, cette proposition de loi est restée lettre-morte…

L’animal non domestique – Ce sont toutes les autres espèces. Elles ne font donc l’objet d’aucune protection juridique lorsqu’elles vivent à l’état sauvage (sauf espèces protégées). Pour le code de l’environnement, sont considérées comme espèces animales non domestiques celles qui n’ont pas subi de modifications par sélection de la part de l’homme. La liste est établie par arrêté après avis du Conseil national de la protection de la nature (R-411-1).

Pour revenir à des choses sérieuses, c’est-à-dire l’accident de Mme Chirac, elle n’a heureusement pas été blessée. La préfecture de Corrèze a aussitôt envoyé un véhicule de remplacement et elle a pu poursuivre sa route. Oui, je sais bien, à l’heure de la rigueur, certains vont se poser des questions… Mais dans ce billet dédié aux bêtes et à leurs amis, je me contenterai d’une pensée pour le chevreuil.