« La présente proposition de loi rend tout d’abord obligatoire le port d’une arme dans l’exercice de leur fonction pour tout policier municipal. » Ce sont les premières lignes du texte que voudrait faire adopter un député de la majorité. La démarche est politiquement malicieuse puisqu’elle heurte de plein fouet la position du Monsieur sécurité du PS, Jean-Jacques Urvoas, qui veut, lui, désarmer les polices municipales.

M. Morel-A-L’Huissier, qui en est à l’origine, fait référence aux déclarations du président de la République, après la mort d’une jeune policière municipale, Aurélie Fouquet, lors d’une fusillade provoquée par des braqueurs, le 20 mai 2010, dans le Val-de-Marne.

L’exploitation de ce drame me semble déplacée. D’abord, il n’est pas inutile de rappeler que la policière était armée. Mais que peut faire un .38 contre une Kalachnikov ! Et, si je peux me permettre une parenthèse, il apparaît aujourd’hui vraisemblable que cette course-poursuite tragique est en fait le résultat d’un certain cafouillage qui n’a rien à voir avec le fait d’armer ou non les policiers municipaux. Car la BRB était aux basques de ces braqueurs depuis longtemps, probablement pour tenter un flag ou une opération retour. Les choses n’ont pas tourné comme prévu. Aujourd’hui, ce qui coince, d’après France Soir, c’est que la patronne de la BRB, neuf mois après les faits, ait reconnu que ses hommes avaient placé une balise sous le fourgon des malfaiteurs. Ce qui va à l’encontre des premières déclarations des policiers qui disaient s’être trouvés là par hasard. Pour les avocats, c’est la preuve que la police a menti à la justice. Il n’est donc pas exclu que tout ou partie de la procédure soit annulée. Et que les auteurs présumés soient libérés…

Mais, pour en revenir au sujet, faut-il oui ou non armer les policiers municipaux ? Pour les syndicats la réponse ne fait guère de doute. Ils poussent dans le sens de l’armement. Mais aujourd’hui, ce sont les maires qui décident. Et c’est un vrai dilemme. Car, en cas de fusillade, si une balle perdue touche un passant, ils pourraient se voir reprocher leur décision d’armer leurs policiers. Mais si un policier sans arme était tué ou blessé, le choc en retour serait tout aussi difficile à encaisser. Donc, d’une certaine manière, en ne leur laissant pas le choix, on leur enlèverait une belle épine du pied.

Mais en fait, la seule raison qui peut légitimement motiver une telle décision se trouve dans la définition de leurs missions. C’est d’ailleurs le lièvre que vient de soulever Éric de Montgolfier, le procureur de Nice. Pour lui, il y a dérive, car l’action de police judiciaire des agents municipaux doit se placer sous l’autorité d’un OPJ. Et ils n’ont pas à intervenir à la place de la police nationale, sauf flagrant délit. En engageant des poursuites contre un policier municipal qui a blessé une femme dans un accident, alors qu’il se rendait sirène hurlante sur les lieux d’une agression, il demande aux juges de trancher sur les conditions d’intervention de la police municipale. Pour Christian Estrosi, le député-maire de Nice, qui vient d’être nommé président de la Commission consultative des polices municipales (commission qui était en sommeil depuis quatre ans et qui vient d’être réactivée par le ministre de l’Intérieur), il n’y a pas de dérive. D’ailleurs, a-t-il dit, « si le tribunal donne raison au procureur, je proposerais à cette commission de faire évoluer le droit ».  Il y aurait comme un soupçon d’arrogance dans ces propos… Cela revient à dire : si la loi ne me convient pas, je change la loi.

Il faut dire que M. Estrosi est particulièrement investi dans ce domaine. Il faut le voir passer ses hommes en revue, comme un général au champ de bataille… Du coup, il y a dans sa ville 3 à 4 fois plus de policiers municipaux qu’à Marseille, qui compte pourtant deux fois plus d’habitants. Dans les Alpes-Maritimes, les agents territoriaux sont devenus la deuxième force de sécurité du département, loin devant les gendarmes.

En fait, on comprend bien qu’en toile de fond, le problème est ailleurs. Il s’agit de savoir si les polices municipales restent sous l’autorité du maire ou si, peu à peu, elles doivent remplacer une police et une gendarmerie cruellement en manque d’effectifs. Un moyen de nous faire payer deux fois notre sécurité.

Je ne sais pas si tous les policiers municipaux désirent porter une arme à la ceinture. Je n’en suis pas sûr. Mais en tout cas, ils seront tous d’accord sur un autre volet de cette proposition de loi : l’intégration de leurs indemnités (20 % de leur salaire) dans le calcul de leur retraite et une bonification d’une annuité tous les cinq ans. Alors qu’un nouveau coup de balai sur les retraités ou futurs retraités est dans les tuyaux, on peut se demander où l’on va trouver l’argent… Il paraît que ce sont les fumeurs qui seront mis à contribution.

Et pour faire bonne mesure, on va leur attribuer une médaille (pas aux fumeurs). L’article 4 de la proposition de loi prévoit en effet la création de la Médaille d’honneur de la police municipale. Cette fois, personne ne peut être contre, même si l’absence de pluriel à police municipale paraît un peu singulier. Un peu comme un aveu de vouloir « nationaliser » les polices municipales.

Calmons le jeu. Il n’y a pas urgence à débattre. Prenons par exemple la loi qui vise à clarifier et à simplifier la réglementation sur les armes. Elle a été souhaitée par le président de la République en mai 2009. Un comité de concertation et une mission d’information de l’Assemblée nationale ont planché sur le sujet courant 2010. Et, finalement, un projet de loi a été adopté en janvier 2011. Pour l’heure, il doit être dans le tiroir d’un sénateur.