Dans l’affaire Tapie, trois personnes ont été mises en examen pour escroquerie en bande organisée. Les mots sont cinglants, et surtout, ils parlent à tout le monde. Mais en droit, quel est le sens réel de cette épithète à l’infraction de base ?
La bande organisée suppose l’existence d’une organisation structurée en vue de commettre un crime ou un délit (art.132-71). Lorsque cette hypothèse est retenue, elle entraîne une aggravation de la peine, un peu comme la préméditation transforme le meurtre en assassinat. Mais surtout, elle donne des moyens d’investigation plus importants.
Dans notre droit, la différenciation est récente. Une ébauche apparaît dans la loi « Sécurité et liberté » de 1981. Mais le texte était tellement mal fichu qu’il n’a pratiquement jamais été utilisé. C’est la loi du 9 mars 2004 qui a rendu l’idée cohérente.
L’intérêt principal de la bande organisée se situe dans les pouvoirs d’enquête. Cette qualification permet des mesures dérogatoires au droit commun, assimilables à celles qui sont utilisées pour lutter contre le terrorisme, le proxénétisme ou le trafic de stupéfiants. Lorsque les magistrats ajoutent les mots magiques, les enquêteurs disposent de tout ou partie des pouvoirs détaillés dans le titre XXV du Code de procédure pénale : garde à vue plus longue, infiltration, écoutes téléphoniques, perquisitions en dehors des heures légales, sonorisation, captation d’images et de données informatiques, etc.
Toutefois, la conséquence la plus visible est l’alourdissement de la peine. En fin de parcours, c’est souvent la cour d’assises. En théorie. Car, dans la pratique, la justice « correctionnalise » à tout va. Ainsi, une information judiciaire ouverte pour vol en bande organisée passible des assises et de 15 ans de réclusion criminelle peut devenir un vol en réunion, délit passible de 5 ans d’emprisonnement. Les juges feront mine de croire que la réunion est fortuite. Il n’y aurait donc ni organisation ni préméditation.
Il pourrait bien en être ainsi dans l’affaire du Carlton de Lille. Les personnes poursuivies, dont DSK, ont été mises en examen pour proxénétisme en bande organisée. Une infraction qui relève de la Cour d’assises, punissable de 20 ans de réclusion criminelle et de 3 millions d’euros d’amende. Or, au terme de ce dossier particulièrement médiatisé et qui a coûté fort cher au contribuable (il y aurait plus de 3.000 P-V), les juges envisageraient de requalifier l’infraction en proxénétisme en réunion (10 ans d’emprisonnement), ce qui permettrait au procès de se tenir devant un tribunal correctionnel. En l’occurrence, il faut reconnaître que des magistrats professionnels montreraient peut-être plus de sérénité qu’un jury populaire dans une affaire qui a un peu chatouillé l’opinion publique.
La bande organisée permet donc de donner des armes supplémentaires aux juges et aux enquêteurs. Mais la généralisation de son application semble donner raison aux juristes qui s’inquiètent de cette vulgarisation des moyens dérogatoires au droit commun. Et si son utilisation devait devenir une ficelle juridique, il y a fort à parier que, sous la pression de la Cour européenne, le législateur pourrait être amené un jour ou l’autre à revoir sa copie.
Et pour revenir à l’affaire Tapie, en clin d’œil à Brassens, qui sera le cinquième de la bande ?
8 réponses à “Une bande organisée, c’est quoi ?”
Merci d’avoir pris le temps de discuter de cela, je crois évidemment à ce sujet et j’aimerais en apprendre encore sur ce sujet.
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Commentaire d’ordre général : le site du Monde insère de nombreuses publicités lorsque l’on souhaite visualiser ou ajouter des commentaires, notamment des vidéos, intrusives et, de surcroît, d’une durée rédhibitoire. Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner que le nombre de commentaires déposés diminue.
Dans le même registre, il arrive qu’un serveur de « suivi » ne réponde pas à la requête, et on se trouve bloqué.
À revoir, messieurs les informaticiens du monde.fr, merci !
@AO
« une bande désorganisée ne signifiant pas grand chose »…
Ah bon ?… et une soldatesque débandée… ça ne signifie rien pour vous ?
Ou une bande informelle qui se défait plutôt que de passer à l’acte d’un projet collectif ouvertement criminel ?… etc,
« On songe plutôt à des bandes itinérantes de voyous qu’à des personnalités politiques »… Bref, … on vous a sans doute très mal éduqué, vu la somme de préjugés que vous semblez trimballer à l’égard de l’itinérance de la bande des copains et coquins qui nous gouvernent pour se partager le pognon.
Le mal éduqué pour le coup ici, c’est celui qui n’a pas compris le code pénal (l’as tu au moins ouvert?) mais qui veut faire le malin malgré son ignorance. Remballe ta suffisance, respecte ton interlocuteur et cultive-toi, ça modèrera tes ardeurs et rendra peut-être tes propos un poil moins inintéressants.
Qu’est ce qui fait le plus désordre, une bande organisée ou une horde chaotique?
La loi se distingue par le choix des mots, et pour cause, puisqu’ils sont déterminants pour les justiciables. Même le placement erroné d’une virgule peut suffire à ce que la jurisprudence évolue dans un sens imprévu. Je me souviens, étudiant, de nos blagues sur la « diligence du greffier » ou du prof de droit pénal qui nous expliquait avec fierté le sens de la « grivèlerie ». Et il faut dire qu’avec la « bande organisée », le législateur a fait fort ! On songe plutôt à des bandes itinérantes de voyous qu’à des personnalités politiques… malheureusement concernées parfois. Quant à l’adjectif « organisé », il frise le pléonasme, une bande désorganisée ne signifiant pas grand chose.
Comme quoi il faut toujours relire soigneusement un texte, juridique ou littéraire 😉
Une bande organisée où seraient impliqués des hommes politiques de premier plan, c’est trop grave, mais ça ne fait rire personne, sauf le front national qui n’aurait pourtant pas de quoi se frotter les poignets spermatiques à ce sujet.
on ne connait pas, comme de bien entendu le 5e de la bande, mais lui doit les connaître…