Cela peut sembler paradoxal au moment même où le ministère de l’Intérieur sort un bilan de la RGPP dont la mesure phare est le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. En fait, les anciens inspecteurs font référence à un protocole d’accord de 2004 lié à la réforme des corps et des carrières voulue par Nicolas Sarkozy. Il était prévu dans ce texte que le nombre des officiers soit ramené à 9 000 en 2012 : une déperdition de plus de 5 400 postes. Mais, parallèlement, le nombre de gradés et gardiens, et des fonctionnaires de soutien, devait augmenter d’environ 10 000. À ce jour, le compte n’y est pas.

Alors que, dans les commissariats, on commence à souffrir cruellement du manque d’effectifs, cette volonté de dégonfler le corps des officiers semble anachronique… Une apparente ambigüité car l’objectif était de revaloriser leur carrière. En haut de l’échelle, le nombre de commissaires devait être ramené à 1600. Aujourd’hui, les officiers les soupçonnent de faire du lobbying pour faire traîner les choses. C’est peut-être vrai, après tout chacun défend ses intérêts… Pourtant, le corps des commissaires est en constante perte de vitesse. La 62° promotion, celle qui sortira en 2012, compte 39 élèves dont la moitié a été recrutée par concours externe (Bac+5) et l’autre moitié par voie interne. Et cette année, seulement 28 candidats ont réussi le concours (interne et externe).

Il s’agissait donc, par cette réforme, d’aspirer par le haut l’ensemble des policiers. Mais, du coup, la base est dégarnie. Aussi la position du syndicat Alliance semble avoir l’oreille du ministre : intégrer dans la police les adjoints de sécurité (ADS). « Ils pourraient ainsi réaliser des tâches opérationnelles aujourd’hui déléguées aux gardiens et gradés, qui pourraient se recentrer sur leur cœur de métier ». Alors que pour l’instant, à l’issue de leur contrat (3 ans renouvelables une fois), ces jeunes gens doivent quitter la police au moment où ils commencent à connaître le métier.

Donc, sur le papier, les officiers de police ont obtenu ce qu’ils voulaient. On leur a promis de fermer la porte derrière eux en limitant le nombre de postes et en rehaussant le niveau d’entrée (Bac+3). En réalité, et à la suite d’un nouveau protocole signé en 2007, ils ont l’impression de s’être faits avoir. Devenus cadres, ils sont désormais corvéables à merci, et, comme les effectifs globaux et les moyens ne cessent de diminuer pour cause de RGPP, ils ont encore plus de boulot qu’avant.

Dans son rapport du 14 décembre 2011, le ministère de l’Intérieur rend d’ailleurs compte de la mise en place de la RGPP au sein de la « Grande maison ». Avec un thème fort : « Recentrer les forces de sécurité sur leur cœur de métier ». Et pour cela on écarte les missions annexes. Mais est-ce vraiment une source d’économie ou un simple effet d’annonce destiné à ces nouveaux dieux : les marchés ? Car si, par exemple, on transfère les gardes statiques au secteur privé, il faut quand même payer les gens qui les assument. Et le convoyage des détenus, quelle importance pour les caisses de l’État qu’il soit assuré par des policiers ou par des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire ?

Alors, est-ce qu’on nous berlure ? Je le crois bien. Car le problème n’est pas le nombre de fonctionnaires, mais le nombre de retraités. L’administration centrale compte en effet plus de pensionnés que d’agents en activité. Et, pour avoir une comptabilité saine, dès le recrutement d’un fonctionnaire, l’État devrait commencer à « économiser » l’argent nécessaire pour payer sa retraite.

Or, l’État ne cotise pas pour les retraites des fonctionnaires, elles sont financées par les impôts. Et comme il n’existe en principe aucun risque d’insolvabilité, il n’a pas besoin de se constituer une épargne de précaution. On parle quand même d’une dette annuelle et récurrente proche des 50 milliards d’euros… Ce qui fait dire aux analystes financiers que si l’État, comme une entreprise privée, devait provisionner dans ses comptes l’argent qu’il doit à ses anciens salariés, on ne se poserait pas la question de savoir si l’on va perdre un A ou non. La France serait en dépôt de bilan.