LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : La petite histoire de la PJ (Page 6 of 6)

Enquêtes criminelles depuis le début du XX° siècle, replacées dans leur contexte social, politique et… policier.

La PJ de l'entre-deux guerres

PARTIE 2 – L’entre-deux guerres amène bien des mélis-mélos dans le canevas de la police judiciaire, notamment dans la région parisienne où l’emprise du préfet de police, qui détient ses pouvoirs du gouvernement consulaire de l’an VIII (1800), exclut l’interpénétration entre les différents services.

commissariat-des-halles-marcus-collections-1935.JPGAu cours de la guerre 14-18, les policiers des brigades mobiles sont utilisés pour la défense du pays et participent à un vaste réseau de contre-espionnage. Les dossiers judiciaires sont enfermés dans les armoires, on gère l’urgence, et on passe aux choses sérieuses. Mais dès la fin des hostilités, les brigades mobiles sont consolidées et leur nombre passe de 15 à 17. C’est à cette époque que les commissaires principaux deviennent des contrôleurs généraux et que la 1e brigade mobile met fin aux agissements de Landru. Ceci n’ayant rien à voir avec cela.

En 1924, la 13° brigade enquête sur la disparition du conseiller général du Finistère Pierre Quemeneur, dont le corps ne fut jamais retrouvé. Pour des raisons de compétence territoriale, et, probablement des motivations qui découlent de la personnalité de la victime, les services centraux du ministère de l’Intérieur supervisent les investigations. Il semble bien que le commissaire Cunat, qui dirigeait la 13°, ait eu du mal à résister aux pressions parisiennes. Avec le résultat que l’on connaît : une enquête à l’emporte-pièce et ce doute affligeant qui subsiste 80 ans plus tard. Il s’agit de l’affaire Seznec.

En 1928, la direction de la sûreté générale est renforcée par la création d’un Bureau Central National (B.C.N.), qui existe encore de nos jours. C’est le correspondant officiel de l’Organisation Internationale de Police Criminelle (Interpol). Peu après, deux offices sont créés : l’office central chargé de la répression du faux monnayage et l’office pour la répression du trafic illicite de stupéfiants. Pour la petite histoire, on dit que dans ces années-là, le commissaire Massu, en poste à la brigade criminelle, quai des Orfèvres, inspira Simenon pour son personnage du commissaire Maigret.

Parmi les affaires marquantes, il faut citer l’affaire Stavisky qui, en 1933, bouleverse le monde politique et entraîne la retraite anticipée du préfet Chiappe. Un lampiste, mais un lampiste de haut niveau ! Rappelons que Serge Alexandre Stavisky, alias « le beau Sacha », a été l’instigateur d’une filouterie stavisky.jpgorganisée au sein du Crédit communal de Bayonne. Avec la complicité du directeur de la banque et celle du député-maire de la ville, il avait su profiter de son entregent pour mettre en place une escroquerie estimée à 235 millions de francs, arrosant au passage des personnalités de tout crin. Lorsqu’il fut retrouvé agonisant, dans un chalet de Chamonix, Le Canard enchaîné titre : « Stavisky s’est suicidé d’une balle tirée à 3 mètres. Ce que c’est d’avoir le bras long… ». Une bien maigre affaire sur le plan pénal et qui pourtant fit tomber le gouvernement de Camille Chautemps.

Mais la France est atteinte d’un mal plus profond. Les réformes nées du Front populaire attisent les braises du fascisme. Le ciel serein de l’Europe s’obscurcit, l’insécurité grandit et, au loin, on peut de nouveau discerner les bruits de bottes. Basse politique et haute délinquance font bon ménage et, peu à peu, les enquêtes de l’inspecteur Belin change de tonalité. Les attentats fomentés par l’extrême droite se multiplient et les dossiers du comité secret d’action révolutionnaire, surnommé « la cagoule », envahissent son bureau. Il doit regretter le temps de Landru, notre petit poulet…

La dernière exécution publique en France – En 1937, Eugène Weidmann et ses deux complices, Roger Million et Jean Blanc, tous trois multirécidivistes, décident de monter une « chaîne » de kidnapping en prospectant parmi les riches touristes attirés par l’exposition universelle. Weidmann qui porte beau et parle plusieurs langues se fait engager comme interprète officiel à l’exposition, sous le faux nom de Karrer. Sa première victime sera la danseuse américaine Jean de Koven. En un clin d’œil, elle tombe raide amoureuse du bel interprète. Il l’emmène chez lui, mais ne prend même pas le temps d’un verre de Porto. Le boulot d’abord : deux balles dans la tête. Cinq autres personnes vont être assassinées par ce trio infernal avant qu’il ne soit neutralisé. Lors de son arrestation, Weidmann ouvre le feu sur les policiers de la 1e brigade mobile. Deux inspecteurs sont blessés.weidmann-marche-vers-la-guillotine.jpg

Le 17 juin 1939, Eugène Weidmann est guillotiné sur la place publique à Versailles. Son exécution tourne à la farandole à tel point que le président du conseil, Edouard Daladier, décide que dorénavant les exécutions ne seraient plus publiques, mais se dérouleraient dans l’enceinte d’une prison. Eugène Weidmann est donc le dernier criminel à avoir été guillotiné en public.

Bien qu’il fût de nationalité allemande et de parents national-socialistes, ce n’est sans doute pas la raison qui fit, trois mois plus tard, qu’entre la France et l’Allemagne débute la « der des ders des ders ».

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L'origine de la PJ

PARTIE 1 – Le début du siècle dernier, a surtout été la « belle époque » pour les voleurs, les assassins et les terroristes, lesquels, devant l’incurie des services de la police et de la maréchaussée, s’en donnaient à cœur joie.

bulletin-de-police-criminelle-1907.jpgL’accroissement exponentiel des crimes et des larcins ne pouvait laisser insensible le « premier des flics ». Non, ce n’était ni Pasqua ni Sarkozy ! mais Georges Clemenceau, alias « Le Tigre ». En effet, quoi qu’il cumulât les fonctions de président du Conseil et de ministre de l’Intérieur, c’est ainsi que se baptisait lui-même le grand homme moustachu, celui-là même qui, alors qu’il était rédacteur en chef à l’Aurore, encouragea Zola à écrire sa tirade sur l’affaire Dreyfus. C’est lui, dit-on, qui sortit de son chapeau le titre de l’article, le fameux « J’accuse ! »

Le 30 décembre 1907, Clemenceau signe un décret instituant douze brigades régionales de police mobile, plus connues sous le nom de « brigades du Tigre ». Composées seulement d’une dizaine d’inspecteurs et de deux commissaires, chacune sera dotée (et c’est une première) de 4 limousines De Dion-Bouton.

C’est ainsi, après des palabres multiples avec le garde des Sceaux, que la police judiciaire se transforme en un service de police opérationnel. La charte des brigades mobiles est adoptée (elle s’imposerajules-sebille.jpg jusqu’en 1941) et le commissaire Jules Sébile hérite du bébé.

Dès leur création, ces brigades s’attaquent aux bandits itinérants, qui pullulent, et obtiennent très vite de nombreux succès. Le plus conséquent est sans conteste l’arrestation d’un vagabond nommé Vacher. En dix ans, cet olibrius s’était rendu coupable de 41 assassinats. Il violait ses victimes, des adolescents de treize à dix-huit ans, les tuait et les dépeçait.

La première grande réussite médiatique de ces policiers fut le démantèlement de la célèbre « bande à arrestation-de-bonnot.jpgBonnot », qui coûta la vie à Louis Jouin, le numéro 2 de la sûreté. Cette équipe de malfaiteurs initia en 1911, rue Ordener, à Paris, une nouvelle forme de banditisme qualifiée par la suite de « vol à l’affolement », technique reprise aux États-Unis dans les années 30. Jules Bonnot fut arrêté à Choisy-le-Roi le 28 avril 1912. Grièvement blessé, il mourut peu après. On dit de ce truand atypique et anarchisant, qu’il fut (mais c’est sans doute une légende) un temps le chauffeur d’un certain… Sir Arthur Conan Doyle, le père de Sherlock Holmes.

Moins sordide, on peut se rappeler de ces années-là le vol de La Joconde. L’enquête menée par la brigade parisienne de recherches aboutit à l’arrestation de deux suspects qui furent longuement interrogés avant d’être relâchés. Il s’agissait de deux marginaux, nommés… Apollinaire et Picasso. Mona Lisa regagna le musée du Louvre deux ans plus tard, grâce à un antiquaire italien.calmettecaillaux.jpg

Les deux dernières grandes affaires d’avant 1914 furent l’assassinat de Jean Jaurès et celui du directeur du Figaro, Gaston Calmette.

Le 16 mars 1914, Henriette Caillaux, épouse du député Joseph Caillaux, tue Gaston Calmette, le directeur du Figaro, par crainte que son passé sentimental ne s’étale sur la place publique. Le bruit des bottes s’amplifie et Caillaux, l’homme politique le plus en vue du moment, pacifiste reconnu, ne deviendra pas président du Conseil – ce qui aurait peut-être changé le cours des choses, pense l’historien Jean-Denis Bredin. En tout cas, ce coup de revolver est le premier d’une série de trois qui entraîneront la France et l’Europe dans la plus grande tragédie de leur histoire. Le second visera l’archiduc Ferdinand à Sarajevo et le troisième Jean Jaurès, au café du Croissant, le 31 juillet de la même année.

Landru, le criminel qui a marqué l’époque – Au bruit du canon, apparaît un étrange barbu, Henri-Désiré Landru, très vite surnommé Barbe bleue (par amalgame avec le personnage de la légende orientale, repris par Charles Perrault) qui de 1914 à 1919 s’est « consumé » d’amour pour une kyrielle de femmes. Ce spécialiste du « meurtre au mariage » n’est pas l’inventeur de la méthode. Avant lui, aux États-Unis, en 1895, Johann Hoch épousa 24 femmes et en empoisonna la moitié. Il fut pendu. À la même époque, l’Américaine Belle Gunness, profitait du sommeil de ses nouveaux maris pour les assassiner à la hachette. On a cru qu’elle était morte dans l’incendie de sa ferme, en 1908, mais il est probable qu’elle s’échappa en laissant sur place le corps d’une autre personne pour donner le change.

Landru fut arrêté par les inspecteurs Belin et Riboulet (de vrais policiers avec un nom de flics de cinéma !). Ce dernier surprit Landru au moment où il tentait de se débarrasser d’un petit calepin, sur lequel il notait tout. Ce fut la preuve décisive lors de son jugement, car l’accusation ne parvint pas à exhiber le moindre cadavre. Cela rappelle d’autres procès…, mais pour Landru, bien qu’il ait toujours clamé son innocence, personne n’a jamais soulevé l’hypothèse d’une erreur judiciaire. Lorsque le président de la cour d’assises de Versailles lui a donné la parole, avant le délibéré, il a simplement déclaré : « Je n’ai qu’une chose à dire, votre Honneur, je n’ai jamais commis de meurtre. C’est ma dernière protestation. » Mais, pour l’opinion publique, la cause était entendue. Et pour le gouvernement, cela tombait à pic pour détourner l’attention du bon peuple de choses plus sérieuses, comme la conférence de Paris – qui devait aboutir au traité de Versailles. Landru fut jugé pour onze meurtres, mais on retrouva lors des perquisitions des traces de landru-a-son-proces.jpgcorrespondance avec… 169 femmes. Pendant des années, chaque découverte macabre a fait l’objet d’une enquête approfondie pour s’assurer qu’il ne s’agissait pas d’une victime de ce triste personnage. Lors de son procès, devant la cour d’assises de Versailles, il déclara : « J’ai le cœur brisé de penser que, à cause de tout ce scandale, ma femme sait que je lui ai été infidèle. » Il fut guillotiné le 25 février 1921. Webb Miller, un journaliste américain, a écrit : « Landru, les mains liées derrière le dos, était encadré par deux geôliers… Les deux hommes l’installèrent rapidement, la face contre la planche basculante… La chute du couperet fut instantanée et la tête tomba avec un bruit mat dans le petit panier… vingt-six secondes s’étaient écoulées. »

L’inspecteur Belin, dans son livre de souvenirs Mon travail à la Sûreté, confie cette curieuse analyse : « … je ne pouvais m’empêcher d’avoir pour lui une admiration réelle. Parfois, il me donnait l’impression d’être une épave dans un monde hostile auquel il faisait face avec courage et sang-froid. C’est peut-être cette trace de désenchantement dans sa nature qui attirait l’esprit sentimental des femmes plutôt que son soi-disant pouvoir hypnotique. »

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